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Si vraiment vous préférez payer plus cher je peux vous fournoir du papier
C'est grave... et pourtant aux dernières lignes, vous finissez par en rire !
XIII Nadège piégée
« - Nadège a tout de suite flairé l’entourloupe. Elle a d’abord cru que j’avais piraté sa connexion !
- Non, ce n’est pas possible !
- Tu me prends pour un menteur ? On n’a pas d’éducation mais on n’a qu’une parole, nous. On n’est pas du genre à partir en Suisse pour pas payer nos impôts ! D’ailleurs on n’en paye pas ! Tu essayes de te défiler pour ne pas me donner ce que j’attends depuis le premier jour ? »
- Elle m’a regardé bizarrement. Puis avec une frayeur dans les yeux, comme au cinéma. Je crois bien qu’elle avait oublié les conséquences de ma présence en tête du Top d’Amazon Kindle ! Elle n’y avait jamais cru, que ce soit possible !
Kader avait deviné. Nadège m’a raconté le 21 mars : « Je me suis sentie redevenir un objet. J’ai failli m’évanouir. Ce n’était plus Kader que j’avais devant moi mais Carlo, l’ignoble Carlo. Pablo était un camarade de classe et presque un voisin, il avait la chance d’avoir des parents riches, selon les commentaires de l'époque. Même si son père, fonctionnaire européen, un italien marié à une française, séjournait régulièrement en Afrique, en missions. Mais cet été-là, j’avais 10 ans, son père était présent quand Pablo fut malade, je ne sais même plus de quoi. Quand je suis arrivé, Carlo m’a raconté qu’il venait de s’endormir mais qu’il n’allait pas tarder à se réveiller, qu’il fallait l’attendre... Il m’a demandé si je voulais jouer au Monopoly, forcément j’étais d’accord. "Alors, on joue à l’italienne, si tu veux." J’ignorais naturellement ce que ça signifiait et j’ai dit d’accord. C’est moi la première qui ait acheté une rue, alors il a retiré une chaussette, ça m’a fait rire, mais c’était ça "jouer à l’italienne", quand l’adversaire achetait un quartier, il fallait lui donner un de ses vêtements. On s’est donc rapidement retrouvés nus. Alors, ce fut la pause. Un verre de jus d’orange pour moi. Sur le canapé, je me suis sentie toute joyeuse et en même temps fatiguée, il m’a prise dans ses bras, et j’ai senti une grande douleur dans le bas du vente mais il me caressait, et je me sentais tellement joyeuse... Fatiguée et joyeuse. Je me suis réveillée le lendemain matin dans son lit, il avait téléphoné à ma mère pour lui expliquer que j’avais joué toute l’après-midi avec Pablo et que je m’étais endormie, que son épouse venait de me border. Ma mère était tellement impressionnée par ce fonctionnaire européen... et très honorée quelque part... Au réveil j’étais toute bizarre, quelque chose en moi tremblait... mais je n’avais même pas la lucidité de me demander ce que je faisais là... il m’a appelée "princesse"... il était allé acheter des croissants qui m’attendaient sur une petite table avec du jus d’orange... Après ce jus d’orange je me suis sentie de nouveau toute excitée et plus du tout fatiguée, je planais... il m’embrassait sur la bouche... quelque part c’était bien même si je sentais sans comprendre que je n’étais plus moi... J’étais suffisamment lucide pour réaliser qu’il se passait quelque chose de dramatique mais pas assez pour m’enfuir, il m’a pénétré, comme il dit "avec une grande tendresse" mais je me suis sentie un objet... Et ça a continué durant des années... je suis même partie une semaine en vacances avec eux... J’ai été leur objet... à sa femme également... Elle préférait que son mari « s’amuse avec la gamine plutôt que d’aller traîner n’importe où. » Ils m’ont volé mon enfance... Je sais maintenant qu’il possède toute une pharmacie de petites fioles, c’est comme ça également qu’il a euphorisée Amina, d’abord à l’aéroport du Caire avec un Coca qu’il a eu la gentillesse d’aller lui chercher au bar puis à Addis-Abeba... Toute cette enfance que je croyais avoir réussi à surmonter est revenue, là, devant Kader. Quand il m’a posé les mains sur les épaules, j’ai senti une poigne de fer. Je savais que je ne m’en sortirais pas sans lui donner ce qu’il voulait me prendre. Je savais qu’il allait faire comme l’autre. »
« - Tu...
- Eh oui, mon ange, mon amour, ferme les volets, je vais te prendre ici, sur la moquette ou sur une chaise, comme tu préfères...
- Tu... Ce n’est pas possible que ce soit toi !
- Kader Terns et ma photo, qu’est-ce qu’il te faut... Allez, je te laisse cinq minutes, tu peux faire le tour du quartier pour vérifier que sur l’ensemble des ordinateurs du monde entier, "la vraie vie dans le 9-3" cartonne !
- Mon Dieu !
- Ton Dieu, c’est moi maintenant ! Et tu vas connaître le septième ciel, ma belle. »
- Ce fut encore mieux qu’avec Anaïs... J’étais fier, tout le reste je m’en foutais comme de mon premier braquage... Elle m’a lu après son deuxième orgasme.
« - Ce n’est pas possible que tu sois en tête des ventes avec ça ! Je rêve... comme dirait Laurent Fabius ! Ou alors ils pensent tous que c’est un nouveau tour de Jack-Alain Léger. C’est bien de toi ?... Maintenant que tu m’as eue...
- Pour qui tu me prends ! Kader Terns, t’en connais d’autres ?
- Tu as déjà entendu parler de Jack-Alain Léger ?
- Ne me pose pas des questions dont tu connais la réponse.
- Ce ne serait pas un de tes clients ? Même s’il prétend ne plus se droguer depuis des années... Tu l’aurais rencontré et tu tiendrais le rôle de l’auteur ? C’est ça ?
- T’as trop d’imagination ! C’est qui ton Jack ? Il est du coin ?
- Jack-Alain Léger est un écrivain assez connu mais comme un peu avant l’an 2000 il ne trouvait plus d’éditeur, ne vendait plus, il a écrit "Vivre me tue", le « témoignage » d’un jeune beur d’origine marocaine, l’a signé Paul Smaïl. Un best-seller et un scandale littéraire quand on a appris qu’il ne s’agissait pas d’une autobiographie mais d’une mise en scène littéraire.
- Et tu crois qu’il y aurait des nazes pour croire que c’est ton Jack qui signe Kader Terns ? Et ils achèteraient à cause de cela ?
- Sans vouloir te critiquer, ce n’est pas de la littérature comme je t’entends... et même comme témoignage... Je me demande juste comment tu es arrivé à devenir la meilleure vente. Tu as encore magouillé !
- Oh ! Jamais je ne magouillerai plus que François Mitterrand ! Pourquoi tu me regardes comme ça ? Je ne sais pas qui c’est mais l’autre jour le patron du bar m’a répondu ça ! François Mitterrand, tu l’as déjà eu en réinsertion ?
- Tu ignores qui est François Mitterrand ?
- Tu sais, je ne demande jamais le nom des gens. C’est comme ton Jack-Alain.
- Mon Dieu ! »
- Au fait, Stéph, c’est qui, ce François Mitterrand ?
J’ai également, simplement, pu m’exclamer, en souriant :
- Mon Dieu !
- Vous êtes chiants les intellos ! Le jour où je le croise celui-là !
- Je la rebaisais. Mais en même temps, son histoire de Jack me tournait dans la tête. Et si quelques critiques le reconnaissaient ! Le lendemain, tandis que ma belle Nadège subissait, dans son bureau de l’avenue Charles de Gaulle, la grande crise de son Pablo, son "fiancé officiel" qui voulait savoir où elle avait passé la nuit, à notre grande réunion quotidienne je décidais de faire modifier quelques commentaires en introduisant ce Jack et d’envoyer quelques mails "anonymes" aux médias, les informant que l’écrivain réussissait un nouveau coup sous le pseudonyme de Kader Terns.
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