Septembre 2012 restera une grande date pour les critiques littéraires qui à peu de frais ont redoré leur blason. Enfin, ils le pensent !
Il y eut d’abord la chute de Todd Rutherford, après révélations par le New York Times de son business plan pourtant public et très lucratif : sa start-up, gettingbookreviews.com, proposait des prestations aux écrivains : la rédaction de critiques positives.
Il vendait des packs de 20 ou 50 bonnes critiques...
Le "petit malin" se serait ainsi octroyé jusqu’à 28 000 dollars de salaire mensuel, grâce au recrutement de « pigistes » peu rémunérés.
Google ferma son compte et Amazon supprima une partie des 4531 louanges répertoriées. Todd Rutherford s’est rapidement lancé sur un autre créneau : la vente de camping-cars mais réfléchirait à un retour au service de la littérature.
Quant à l’auteur britannique de romans policiers, RJ Ellory, quasi inconnu en France, il s’est fait prendre les doigts dans le pot de confiture, avouant finalement se glorifier sur Amazon, via pseudos, naturellement. Il en profitait même pour descendre sèchement ses concurrents.
Jeremy Duns, l’un des ses collègues, a prétendu sur un forum qu’Ellory se cachait derrière les pseudonymes Jelly Bean, Nicodemus Jones... et tout s’enchaîna... le "fraudeur" y a gagné une bonne publicité... Car qui tombe vraiment des nues ? Il a simplement appliqué, en le détournant légèrement, le système du copinage (ou du renvoi d’ascenseur) qui prévaut dans la critique littéraire classique.
Ce n’est certes peut-être pas très sportif de prétendre en commentaire que l’on est "l’un des plus talentueux auteurs d’aujourd’hui"... mais est-ce plus honorable, quand on exerce la profession de critique d’un grand média, d’encenser les collègues écrivains publiés chez le même éditeur, qui eux s’empressent avec leur casquette chroniqueur, de renvoyer ce cher ascenseur ? Non, ça ne se passe pas ainsi ? C’était avant ?
Je me souviens et je retrouve dans La littérature sans estomac, de Pierre Jourde : « Certains organes littéraires ont une responsabilité dans la médiocrité de la production littéraire contemporaine. On pourrait attendre des critiques et des journalistes qu’ils tentent, sinon de dénoncer la fabrication d’ersatz d’écrivains, du moins de défendre de vrais auteurs. Non que cela n’arrive pas. Mais la critique de bonne foi est noyée dans le flot de la critique de complaisance. On connaît cette spécialité française, qui continue à étonner la probité anglo-saxonne : ceux qui parlent des livres sont aussi ceux qui les écrivent et qui les publient. »
La médiocrité de la production littéraire contemporaine… Face à cela, François Busnel part aux Etats-Unis interroger « les derniers fous », les descendants des Balzac, Hugo… et raconte « Ce qui est intéressant, c’est d’aller à la rencontre des derniers grands fous qui sont les fous géniaux. Si on avait pu aller rencontrer au 19e siècle Baudelaire, Flaubert, Gérard De Nerval, Lamartine, Victor Hugo, Balzac, vous pensez que l’on aurait eu affaire à des gens normaux ? Mais pas du tout, ce sont des grands fous mais c’est des fous géniaux. C’est c’qu’on appelle les fous littéraires. Et alors, aux Etats-Unis, il se passe quelque chose d’assez incroyable, c’est que l’écrivain n’a pas de statut social, c’est-à-dire il n’est pas comme à Saint-Germain-des-Prés, en train de donner son avis sur tout, de boire des coups pour se faire remarquer par la presse et par les gens, il signe pas d’autographes... Au contraire il n’a aucun ego donc il s’enfonce dans cette espèce de folie qui est créatrice du coup, qui devient une folie créatrice, régénérante, c’est ça qui est absolument extraordinaire aux eux, donc on est au cœur du processus de création. »
Faire le pitre médiatique serait donc un statut social ! En France.
Sur le même sujet, interview d’Alain Beuve-Méry (petit-fils du fondateur du Monde, Hubert) qui « couvre le secteur de l’édition pour le journal Le Monde depuis 5 ans », au 8 Octobre 2011, réalisée par F.K de tahiti-infos.com à l’occasion du "Salon Lire en Polynésie."
« - Avez-vous lu l’un des ouvrages édités localement ?
- C’est très frais, mais je viens de lire le dernier Chantal Spitz, Elles. Terre d’enfance. Roman à deux encres. (...)
- On est en pleine rentrée littéraire en métropole. Ce livre pourrait-il percer ?
- C’est un livre qui mérite d’être édité, assurément. Mais vous le savez sûrement, entre 600 et 700 romans paraissent entre le 25 août et le 15 octobre chaque année. Tout dépend donc beaucoup de la maison d’édition dans laquelle vous êtes édité, et du travail fait en amont par les attachés de presse auprès des journalistes et des jurés littéraires. Chantal Spitz est un frêle esquif au milieu de nombreux bateaux. Mais pourquoi pas ? Son livre pourrait, ou devrait, trouver un public en France. J’espère pouvoir en parler avec elle au Salon. C’est très intéressant de rencontrer de vrais écrivains, très différents de ceux qu’on a l’habitude de lire en France. »
Je me souviens et je retrouve dans le carton Le Monde justement, un article certes ancien, du 9 mars 2007, un soutien aux libraires où Baptiste-Marrey (noté écrivain), n’hésitait même pas à reconnaître : « les grands groupes publient, distribuent, vendent et font commenter favorablement les titres qu’ils produisent. » Normal, il publiait dans le Monde ! Normal ? C’est tellement banal, entré dans l’inconscient collectif, qu’ils peuvent le reconnaître au détour d’une phrase, sans susciter d’indignation, sans même se rendre compte de l’énormité de l’aveu qui les discrédite plus que nos commentaires. Mais ils continuent, continueront sûrement tant que leurs publications s’écouleront.
Quant au "Philippe Forest, écrivain", bel exemple, en 2012, de critique déontologique : au risible il ajoute la suprême morale en encensant l’icône Angot, après le rachat de Flammarion par Gallimard. "P. F." publiant désormais chez "le plus prestigieux des éditeurs" (sûrement normal quand on peut se prévaloir de signer dans Le Monde des Livres même si je ne doute pas de la qualité de sa plume, nettement meilleure que celle d’Anaïs) et Flammarion ayant le grand bonheur de compter dans son écurie les régimes Dukan et mademoiselle ou madame Angot (comme il lui plaira). Je ne résiste pas au plaisir de reprendre la remarquable (qui se remarque) analyse de "Philippe Forest, écrivain" : « À juste titre, on dit souvent d’un vrai roman qu’il est irrésumable, car en rendre compte sous une forme autre que celle que son auteur a choisie revient précisément à défaire ce que celui-ci a voulu faire. C’est particulièrement le cas avec le nouveau livre de Christine Angot. » Oui, disons-le simplement "Philippe Forest, écrivain" a débuté sa carrière par un "Philippe Sollers", au Seuil, en 1992. Philippe Sollers historique icône du Monde des Livres. Une grande famille... Ah, la révolution numérique ! Il faudrait qu’elle balaye également ces gens-là, comme les politiques, genre Malvy, Filippetti et compagnie. Tous, même s’ils connaissent parfaitement et déplorent durant leurs heures de lucidité les dérives du système, le préfèrent à une révolution qui pourrait, qui devrait, les emporter. J’ai sûrement eu tort d’exposer mes envies, raisonnements, conceptions révolutionnaires ! Mais c’est une révolution tellement morale, juste, digne, honnête qu’elle "aurait dû" susciter une adhésion immédiate chez les écrivains. C’est oublier le célèbre "un tiens vaut mieux que deux tu l’auras." Oui, les écrivains sont des petits enfants qu’il faut prendre par la main ou de vieux messieurs frileux. Que cesse l’exploitation des créateurs par les marchands, nous aurions pu nous entendre sur ce minimum revendicatif ! Oui, je suis sûrement grillé partout. Un révolutionnaire n’intéresse que cinquante ans après sa mort ! Ça y est, comme Stendhal, me v’la en position de ne plus espérer qu’une reconnaissance posthume. Donc « l’homme d’esprit doit s’appliquer à acquérir ce qui lui est strictement nécessaire pour ne dépendre de personne. » Si ma mémoire est bonne ! En tout cas, le constat ne m’accorde pas trente-six chemins : je dois vivre de peu, me débrouiller avec des bouts de ficelles, donc Amina est devenue un poids, une contrainte insupportable. On paye toujours ses moments de jouissances ! Finalement, le plaisir solitaire est le plus approprié à l’écrivain indépendant en 2012 ! Décidément, peu importent les chemins qui m’amènent à penser à elle, la même conclusion s’impose : on ne fait pas sa vie avec une femme qui n’est pas à 100% dans son couple. Oui, tu me répondrais y être… mais ta mère, mais Kagera, mais tes frères, tes sœurs, ta religion, ton fils, tes amis, ton besoin régulier de jubiler quand remonte le non assumé…
- Les fausses critiques sont utiles mais la victoire s’est gagnée avec les faux achats !
Ce qui n’est pas nouveau, je me souviens de cette histoire (avouée bien plus tard par les protagonistes, sans soulever d’indignation) quand quelques disquaires servaient de référence pour le classement des ventes de vinyles dans notre pays : certains n’hésitaient pas à acheter leur poulain en nombre ! Un bon plan pour eux comme pour le disquaire ! Combien gagne Amazon grâce aux achats dont le seul but est de faire monter l’œuvre d’un ami ou parent ?
- Une dizaine de vrais potes, chargés des critiques de lecteurs, c’est nettement suffisant. Cinq clics rapides sur NON à "avez-vous trouvé ce commentaire utile ?" et il disparaît dans les profondeurs invisibles le sale message du client déçu. La moyenne des notes doit dépasser 4 sur 5 ! Toute réaction avec moins de quatre étoiles sera systématiquement marginalisée. "J’ai acheté ce livre en me basant sur les avis élogieux. Pour moi c’est un flop ! Le sujet est quelconque. Aucun style, syntaxe et grammaire à revoir..." Casse-toi, sale prof ! Tu ne vas pas me gonfler pour tes 99 centimes ! Tu as eu ta part de rêve ! Celui de découvrir Kader !
Ce genre de technique se décline désormais en "site de lecteurs" avec les auteurs éditeurs particulièrement ciblés. L’auteur intéressé est prié de rembourser aux acheteurs (plus une forte commission pour le site) les dépenses de ces critiques "bénévoles." Ces "achats remboursés" doivent permettre au livre de monter dans les classements, se faire remarquer, générer de véritables ventes... Pratique scandaleuse ? Quand dans un catalogue Carrefour ou Leclerc figure un produit "premier achat remboursé" il s’agit bien également pour la marque d’acquérir de la visibilité... Naturellement, dans ce genre de marketing, l’écrivain indépendant ne peut rivaliser avec les mastodontes, il peut juste sacrifier ses économies pour un résultat dérisoire. Mais c’est bien "la part" du rêve que sont disposés à payer de nombreux apprentis auteurs... Que les indépendants soient particulièrement visés montre bien qu’il s’agit de leur faire payer cette part de rêve. Pratique venue des États-Unis et rapidement déclinée en France... Auto-edition.com fut naturellement démarché... Ce genre de bon plan (surtout pour les gestionnaires du site mais des "petits malins" devraient ainsi obtenir quelques jours de visibilité) est naturellement à déconseiller mais devrais-je proposer une journée d’achat remboursé ?
- Quelques clics sur OUI suffisent pour imposer les 5 étoiles - "J’ai adoré ce livre, il est finement écrit, l’auteur nous fait entrer dans la peau d’un banlieusard qui cherche l’amour... âmes sensibles venez découvrir la vraie vie dans le 9-3 !" Ça c’est de la critique ! T’aimerais en avoir de la bonne comme ça ! Y’a un mec de banlieue qui m’a écrit ça !
Je n’ai pas pu m’empêcher de vérifier ! Exact !
« - Il faut devenir incritiquable ! Que toute personne déçue n’ose pas l’écrire, se sente vaguement coupable. S’il n’a pas aimé, c’est qu’il n’y comprend rien à la nouvelle littérature, aux banlieues, aux jeunes, c’est même du racisme anti-jeunes, anti-beurs...
- Un relent de racisme dans toute vraie critique ! Tu as gagné grâce au politiquement correct ! Les bons soldats de l’industrie culturelle n’allaient pas te jeter la première pierre ! Oui, chapeau, finalement, tu as compris notre époque ! Christine Angot derrière le drapeau « inceste », Stéphane Hessel « vieux résistant » et toi « banlieue numérique. » Grande victoire du « tout est culturel » estampillé Jack Lang !
- Jacques Langue ? C’est encore un de tes philosophes.
- Laisse, je te parle d’un temps où la gauche prétendait faire de la politique autrement ! François Mitterrand avait promis l’imagination au pouvoir en 1981 et en 2012 nous avons toujours Martin Malvy à la tête de la région !
- Pourquoi tu me sors toujours des noms qui ne passent pas à la télévision ? Chirac, Balladur, OK ! Qu’est-ce que je les adorais ces deux-là quand j’étais môme ! Je ne ratais pour rien au monde les guignols de l’info. Maly, en plus, certain que c’est même pas un africain !
- Pourtant la saga de cette famille mériterait bien un feuilleton, de la guerre 14 au TGV toulousain en passant par les pleins pouvoirs accordés au maréchal Pétain, y’a toujours un Malvy quelque part depuis cent ans ! »
- Mais tu sais, tout ça, ça ne te sert à rien, tu ne sais pas en faire un vrai bouquin !
Et bing dans les dents. J’avais l’impression de lui servir de punching ball verbal. Quelque part, en souriant, je l’encourageais à continuer ! Sûrement pas par masochisme mais je ne pouvais me leurrer : une vie en échec professionnel et sentimental. Même si me complaire en relativisant sur des livres nettement meilleurs que ceux de pantins était possible, comme un couple pas pire que bien d’autres, une maison en pierre blanche à la campagne… entre ce que j’ai voulu en quittant le salariat en 1993 et ma vie presque vingt ans plus tard, certes la satisfaction d’avoir tenu m’évite la dépression mais l’échec est bien là, la route ne mène nulle part ! Où pourrait-elle mener ? L’Amour et une "certaine reconnaissance" littéraire ? Et là, je vais où ? « Au bout de la nuit » ?
Amina venait de le relire, elle me conseillait d’en faire de même. Je me souvenais encore très bien de l’impression de malaise quand en 2006 ou 2007, après tellement de tentatives sans parvenir à dépasser une vingtaine de pages, enfin je le terminais. Le style de Céline m’avait rebuté durant des années et là ce voyage me renvoyait à mes propres sensations pour lesquelles aucun mot ne me venait au quotidien. C’était donc avant Amina, durant cette période de découverte des sites de rencontres, et de nombreux enthousiasmes, espoirs…
Face à Kader, je souriais, il ne pouvait pas imaginer (et ce n’est pas une critique, il n’avait même pas 25 ans, je me souviens qu’à cet âge j’aurais bien été incapable de comprendre "un vieux"... d’ailleurs ces hommes me regardaient de haut, comme un petit jeune, dans une société à la structuration bien plus marquée... le "faire de la place aux jeunes" n’est venu que plus tard... les "révoltés de mai 68" sont parvenus à maintenir dans l’ombre la génération suivante qui s’est rapidement retrouvée poussée aux oubliettes par celle qui suivait, plus aguerrie aux nouvelles technologies... je suis d’une génération de transition, qui doit payer les retraites dorées de ces baby boomer... enfin, c’est ce genre de conceptualisation qui tournait dans ma tête après nos "échanges", en retraversant la forêt), il ne pouvait pas imaginer que loin de penser "s’il n’était pas mon employeur je lui casse la gueule" comme il le croyait (confidence de Nadège) me venait souvent "il te faut sûrement ces baffes dans la tronche pour aller au fond de toi, y puiser le texte essentiel, c’est ton voyage au bout de la nuit." Une seule fois, j’aurais pu le tabasser mais il faut croire que jamais la violence ne constitue une réponse chez moi.
Pourtant, je continuais à laisser Amina me maintenir dans l’incapacité d’écrire vraiment mais de plus en plus me virevoltait dans la tête un "quand la corde n’est pas assez tendue, elle n’émet aucun bruit, quand elle est trop tendue, elle casse." La sensation d’arriver à une période cruciale s’imposa durant ces jours de mars et avril 2012. Je ne pouvais naturellement pas oublier que deux ans plus tôt, elle continuait à m’écrire "mon Amour" tout en couchant dès qu’elle le pouvait avec son fonctionnaire européen, italien, en mission en Éthiopie.
- Quand tu es un minimum futé, tu comprends vite leur fonctionnement ! Il faut laisser un 3 étoiles car Amazon adore opposer un avis très favorable 5 étoiles avec la "critique négative la plus appréciée" qui débute aux 3 étoiles. Un 3 étoiles qui conseille d’acheter, c’est clean ! Votre problème, à vous les écrivains, c’est l’intelligence, alors que dans la vie il faut être futé, même dans l’édition.
- J’ai braqué des banques sans même une seule garde-à-vue (mais non monsieur le juge, je plaisante, forcément, c’est de la littérature, il ne faut pas croire non plus que Frédéric Beigbeder dans la vraie vie... ah c’est super la littérature, on peut raconter la vérité tout en prétendant que c’est de la fiction, alors que vous, les écrivains, vous continuez à essayer de nous faire croire que vos histoires abracadabrantes sont vraies !). J’ai piloté la distribution de la petite poudre blanche (idem). Et comme l’ont raconté les médias, j’ai passé quinze jours derrière les barreaux pour trafic de cannabis. Préventive ! Et parcours de réinsertion pour éviter la prison… Oh merci monsieur le juge de m’avoir donné l’occasion de croiser Nadj ! Tu as tort, de ne pas jouer la carte Dépêche du Midi, le Baylet m’a l’air d’un brave type, en Fernandel de la dépénalisation du shit. Il faut toujours s’avoir s’unir avec les plus forts, c’est la seule manière de prendre leur place. Ce qui fait de moi un bon représentant de la banlieue, révélé au grand public grâce à la vague d’achats de sympathie pour ce livre numérique à 99 centimes d’euros. Comme c’est drôle ! Comme vous êtes cons ! Comme le répétait si souvent Adam « la connerie humaine est sans limite et les écoles des profs ne font que l’aggraver, ce qu’il faut comprendre dans cette vie c’est qu’il y a ceux qui réussissent et les autres ; avec moi, tu connais le plus court chemin pour passer du bon côté. » Et il ajoutait même un truc qui va te montrer qu’Adam c’était un mec d’une intelligence au-dessus de la moyenne : « quand tu nais à l’ombre, mec, si tu suis les bons conseils des privilégiés, tu ne verras jamais le vrai soleil. » Adam, il était parti de rien dans la cité, il avait tout organisé. La vie est parfois injuste. Il aurait pu devenir député, mon frère ! C’était son ambition, c’est ce qu’il m’avait expliqué « pour devenir indéboulonnable, il suffit que je devienne député, le PS recherche des mecs comme moi pour éviter que la banlieue s’enflamme. » Il avait même rencontré Bernard Tapie, mon frère !
Il me croyait impressionné. J’hésitais et finalement je pense avoir eu raison de retenir « Mesrine, dans l’instinct de mort, a écrit une phrase de ce genre ». Soit le nom lui était inconnu, soit il aurait voulu savoir comme moi, « un grave paysan » (« finalement, tu ressembles plus à un brave paysan du Moyen-âge qu’à un écrivain », il m’avait balancé le 7 mars) j’avais lu son héros.
- Le premier achat, c’est d’Anaïs, avec le compte Amazon de sa mère, où la vieille a enregistré sa carte bancaire. Un truc de louf, ce système ! Son mot de passe, c’est le prénom de sa fille et une fois que tu es connecté à son compte, tu peux acheter ce que tu veux car elle a mémorisé sa carte ! Enregistrez votre carte, c’est plus pratique ! Y’a un fric dingue à se faire en piratant ce genre de compte... enfin, si ça t’intéresse... Mais deux heures plus tard, toujours rien en dessous de « Moyenne des commentaires client : Soyez la première personne à écrire un commentaire sur cet article » là où j’avais bien pigé que les livres qui se vendent avaient une ligne « n° 999 dans la Boutique Kindle » avec à côté entre parenthèse le « Voir le Top 100 dans la Boutique Kindle. » Et c’est là qu’il fallait que je sois. En plus, impossible d’acheter deux fois le même ebook !
« - Au fait, ça va te servir à quoi, d’être numéro 1 dans ce truc d’intellos ?
- La frime, Anaïs, la frime ! Et... secret ma princesse... Des contacts dans le show-biz ! Y’a un fric dingue à se faire. Demain, ils seront tous mes clients ! »
Je lui avais promis de lui obtenir un autographe de Grégoire. Elle l’adorait.
- Avec ma carte bancaire, je voulais me créer un compte... mais Anaïs m’a expliqué qu’on serait vite repéré, avec un truc d’adresses Hip Hop qui permet de reconnaître d’où l’on se connecte... Y’a eu tout un tas de problèmes, on a pu en acheter que cinq dans la journée. Et le lendemain matin : « n° 324 dans la Boutique Kindle. » Anaïs était folle de joie mais je me demandais : il en faut combien des ventes, pour arriver numéro 1 ?
- Alors, il a fallu s’organiser. Anaïs fut géniale, elle m’a imprimé une page « achat du bouquin de Kader sur Amazon, mode d’emploi. » Avec noté en gras « Opération Top secrète, l’information ne doit pas sortir de la cité » Et 500 à la photocopieuse ! Ensuite, un gamin fut chargé d’attacher à chaque feuille un billet de 20 euros avec un trombone. Oui, c’est un truc que je te conseille, il faut toujours garder 500 billets de 20 euros planqués quelque part ! Je suis sérieux ! On croit que les billets de 100 euros, c’est la classe. Mais les pauvres se demandent toujours s’il s’agit d’un faux. 20 euros, c’est la coupure discrète. Et grande réunion du Conseil des Ministres, comme on dit. Il s’agissait d’abord de faire acheter chaque jour quinze ebooks. Chaque personne recevant "un document" devait en télécharger au moins trois à quatre cinq jours d’intervalle et nous rendre le mode d’emploi avec les dates et heures d’achat. Tout le monde a cru que j’avais les moyens de vérifier ! 10 000 euros pour le cul de Nadège à volonté, j’aurais donné bien plus. Tu me diras, radin comme tu es, selon qui tu sais !, attacher un billet de 10 euros aurait suffi mais il existe des moments où il faut savoir être généreux !
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- quelques romans à lire en numérique ou en papier si vous insistez .
- Jack-Alain Léger ne semble connaître du livre que le papier .